Axes de recherche

La Chaire articule sa recherche autour des disciplines suivantes :

  • droit privé comparé
  • droit de la responsabilité civile
  • droit de la personne
  • intelligence artificielle

Les titulaires de la Chaire-miroir sont tous deux responsables des axes de recherche poursuivis par la Chaire, animés par la volonté de mettre de l’avant le droit privé comparé.

 
Le droit comparé, en mettant à profit l’expérience de toutes les nations, éclaire les juristes sur le rôle et la signification du droit.
René David

Le droit comparé, c’est l’art du « vivre ensemble ».
H. Patrick Glenn


 

AXE 1 – Recherche fondamentale : qualification juridique d’une entité non humaine


La qualification juridique d’une entité non humaine est névralgique. Comment donc appréhender les robots, les objets connectés ou encore les véhicules et machines autonomes, ces « OJNI : Objets juridiques non identifiés » ?

À l’instar de la situation juridique du cadavre, ou encore de l’animal, qui révèle une oscillation entre un « sujet » et un « objet », le statut juridique des entités non humaines commande des réflexions qui sous-tendent non pas d’adopter une vision manichéenne, mais plutôt de faire éclater l’hermétisme des catégories juridiques. De fait, le présupposé fondamental, pour la tradition juridique, repose dans la scission entre l’être et l’avoir. Cet héritage, légué par le droit romain, sert aujourd’hui encore de trame à la construction du Code civil du Québec et le Code civil français : celle qui partage le monde juridique en personnes et en choses.

Certes, la summa divisio qu’opère le droit privé entre les choses et les personnes est prise en défaut et ne peut suffire à un traitement juridique cohérent des entités non humaines. Plutôt que de s’interroger sur la capacité des catégories juridiques traditionnelles à appréhender le statut des entités non humaines, voire l’irréversibilité du spectre de telles catégories, il s’agit de jauger la nécessité de concevoir une catégorie hybride ou intermédiaire reflétant leur statut complexe.

Par extension, les avantages et les dérives de l’intelligence artificielle doivent être sondés lorsque cette discipline est confrontée aux droits fondamentaux de la personne (droits au respect de la vie privée et de la réputation, notamment) et à ses relations avec autrui. Il n’est qu’à penser à la persistance d’une personne numérique grâce à une intelligence artificielle conservant ses données après le décès de la personne, transcendant ainsi la mort, à l’instar de la cryoconservation des corps, qui remet en cause l’espace temps propre à l’humanité.
 

AXE 2 – Recherche appliquée et partenariale : responsabilité civile d’une entité non humaine


La responsabilité civile s’est transformée lors des différentes révolutions industrielles traversées par nos sociétés. Le développement du machinisme et des nouvelles technologies à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle a radicalement changé son visage, conduisant à substituer à la traditionnelle responsabilité pour faute une responsabilité fondée sur l’idée de risque et de garantie. De nombreux régimes spéciaux de responsabilité ont également vu le jour pour venir répondre à des situations dommageables spécifiques, en particulier dans le cadre des dommages de masse (dont les accidents de la circulation, par exemple).

La révolution que nous connaissons aujourd’hui, du fait du développement de l’intelligence artificielle, paraît cependant sans commune mesure dans l’histoire de l’humanité. Les algorithmes vont poursuivre leur processus de sophistication en impactant les rapports des individus entre eux, mais aussi des individus avec les machines toujours plus perfectionnées. Comme il a été souligné par Cassuto, « la mise en œuvre de l’intelligence artificielle nous projette dans un avenir imprévisible, non pas du fait de l’homme mais de la machine » (Droit et intelligence artificielle, https://www.dalloz-actualite.fr/chronique/droit-et-intelligence-artificielle#.XXE1ey3pM1I). L’automatisation des instruments dans le domaine des transports, de la santé, de l’énergie demande un encadrement juridique dans l’ensemble des hypothèses où l’intelligence artificielle sera source de dommage. Or il ne saurait être envisagé de décharger l’intelligence artificielle de toute responsabilité au motif qu’elle est autonome et parfois complètement indépendante de la volonté humaine. La présente recherche entend donc recenser les différentes situations dommageables envisageables pour mesurer si les règles actuelles en vigueur dans nos pays paraissent adaptées à la gestion des nouveaux risques.

Ainsi, pour prendre un exemple dans le domaine des transports, quid en présence d’un dommage causé par un système autonome piloté par l’intelligence artificielle ? Il conviendra de distinguer entre celui qui a créé l’objet, celui qui aura intégré le système d’intelligence artificielle (un constructeur automobile, un concepteur de drone…), celui qui aura conçu et/ou mis à jour le système d’intelligence artificielle pilote de l’objet et enfin celui au service duquel l’objet fonctionne (le propriétaire ou l’utilisateur du véhicule), étant entendu que l’usager a peut-être la faculté de désactiver le système pour en reprendre le contrôle. Cet exemple permet de prendre la mesure de l’ensemble des questions qui se posent en matière de responsabilité.

Pour mener à bien ces réflexions, les titulaires de la Chaire ont fait le choix de dialoguer avec des industriels et chercheurs/ingénieurs. À ce titre, l’entreprise Renault Trucks – société appartenant au groupe Suédois AB VOLVO a été prise –, a d’ores et déjà donné son accord de principe pour collaborer avec les membres du projet sur ce sujet. Ce groupe appartient aujourd’hui à un pôle de compétitivité (nommé CARA – European Cluster for Mobility Solutions) qui est classé depuis 2012 dans la catégorie des pôles « très performants » et, depuis 2014, labellisée « Label Or » par le European Cluster Excellence Initiative. Un tel partenaire conduira à centrer plus précisément la problématique de l’intelligence artificielle sur les véhicules autonomes, mais pas seulement.

Par ailleurs, un dialogue sera engagé avec la Chambre des notaires du Québec pour discuter de la personne dématérialisée lorsque confrontée à l’acte technologique notarié. Prenant acte de l’ère technologique, le projet reconnaît l’existence du notaire 2.0 et la transformation numérique de la profession. Il se positionne plutôt dans une appréhension, voire une anticipation, du rôle du notaire pour répondre aux préoccupations exprimées par son client, en sa personne dématérialisée, lorsque confrontée à l’acte notarié technologique. L’environnement numérique opère ici une considération renouvelée de l’identité et de la capacité du client, mais également de son patrimoine. Au surplus, l’avènement d’une nouvelle « vulnérabilité numérique » commande un traitement opportun.

On l’aura compris, les objectifs de cette recherche sont à la fois théoriques et pratiques. Ils sont théoriques en ce qu’ils résident dans l’identification et la résolution des problèmes que pourrait juridiquement poser l’intelligence artificielle. Ils sont pratiques en ce que le projet se réalisera en étroite coopération avec des acteurs du terrain qui donneront au travail un retentissement concret. La démarche semble ainsi novatrice et inédite aux regards des travaux existants.

Mots clefs :
Droit privé comparé; droit français; droit québécois; entité non humaine; intelligence artificielle; personne; qualification; responsabilité civile; régime juridique; robot; statut juridique; systèmes juridiques; véhicules autonomes